[Vu dans la presse] Nouveaux Codes : au cœur du contrôle avec les plates-formes collaboratives

Si nos parents ont toujours connu des « codes » culturels ou vestimentaires, variables selon les latitudes et les sociétés de référence, ceux d’aujourd’hui sont aussi numériques et s’imposent à tous et partout.

  • Le 28 mars

Rédigé par :
  • Par Benjamin Benoit, Enseignant-chercheur en sciences de gestion (MRM-UPVD), Université de Perpignan Via Domitia
  • Agnès Mazars-Chapelon, Professeure des universités en Sciences de Gestion, Université de Montpellier
  • Fabienne Villesèque-Dubus, Professeur des universités en sciences de gestion, Université de Perpignan Via Domitia
  • Gérald Naro, Professeur des universités en sciences de gestion, Université de Montpellier
 
Laboratoire Montpellier Recherche en Management - MRM (4557 UM UPVM UPVD Labex ENTREPRENDRE)
28 mars 2025


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« Dans notre société, pour accéder aux biens et aux services, il faut avoir les codes, au sens propre et au figuré. Un QR code, un digicode, un mot de passe, un code-barres ou une carte magnétique » (Lardellier et Zannad, 2023). Aujourd’hui, « avoir les codes » nous renvoie plus largement l’idée d’une existence humaine qui a basculé dans un monde caractérisé par l’omniprésence de la donnée personnelle : documents administratifs, navigation en ligne, activités sur les réseaux sociaux… L’ensemble de ces données collectées, qui permettent un traçage du comportement des individus, constitue le sel des plates-formes collaboratives commerciales. Une caractéristique de ces plates-formes est de reposer sur différents systèmes d’évaluations entre utilisateurs et offreurs de services. Les plates-formes commerciales se rendent ainsi attirantes par leurs promesses de transparence qui permettent à tout un chacun de devenir le manager de sa propre offre, un jour gestionnaire d’une activité de location immobilière, un autre jour pilote d’une solution de transport. Les individus sont néanmoins aussi incités à agir conformément aux attentes de l’organisation puisque le système d’évaluation est conçu par l’organisation elle-même. Dans le cas d’Airbnb, un hôte peut devenir « superhôte » s’il remplit certaines conditions et donne entière satisfaction à ses clients, mais aussi à l’organisation. Le label permet ensuite d’être référencé en tête de liste, contrairement à ceux qui n’auront pas satisfait aux règles du jeu de l’entreprise.



Une image d’une salle de classe universitaire avec un professeur et des étudiants engagés / Image générée avec l’aide de l’intelligence artificielle OpenAI.

Un pilotage algorithmique

L’une des caractéristiques de ces plates-formes est de mettre à disposition des utilisateurs des systèmes numériques de contrôle de gestion, lesquels s’exercent via des algorithmes. Ces systèmes fournissent aux utilisateurs, offreurs et consommateurs, une myriade de données vouées à les assister dans leurs prises de décisions, mais ce fonctionnement peut aussi orienter, voire influencer, l’utilisateur dans ses choix (Benoit et Villesèque-Dubus, 2020). Si nous reprenons le cas emblématique d’Airbnb, le nombre de visites et les benchmarks avec les informations d’autres hébergements équivalents sont échangés et mobilisés dans le système de pilotage de l’entreprise. Ces données alimentent une série de dispositifs comme la tarification, le calendrier, la réservation automatique, le statut ou encore l’évaluation des clients. L’organisation peut ainsi orienter les comportements des hôtes et les influencer dans leurs choix en se fondant sur une asymétrie d’information car elle en sait davantage que les utilisateurs. Ainsi, l’utilisateur adhère et se conforme à un système de croyances qui ne sont pas forcément les siennes mais bien celles de la plate-forme. L’ouverture collaborative de l’économie du partage depuis le début de ce siècle se conjugue avec, pour reprendre le terme employé par le philosophe Gilles Deleuze, une « société de contrôle » qui se déploie dans la sphère privée des comportements des individus. Le philosophe, au tout début des années 1990, avait cette intuition prémonitoire : « Nous entrons dans des sociétés de contrôle qui fonctionnent non plus par enfermement, mais par contrôle continu et communication instantanée. […] Face aux formes prochaines de contrôle incessant en milieu ouvert, il se peut que les plus durs enfermements nous paraissent appartenir à un passé délicieux et bienveillant ». Il convient en conséquence de protéger l’utilisateur et de lui assurer un pouvoir de négociation. C’est là le rôle du régulateur et du politique puisqu’il s’agit de pouvoir et de liberté, des notions aux sources de la démocratie.
 

 

Création d'une rubrique de vulgarisation scientifique

Depuis novembre 2024, le journal La Semaine du Roussillon consacre une rubrique sur les projets de recherche menés à l’Université de Perpignan Via Domitia (UPVD). Chaque semaine, un ou une scientifique issu.e d’un des 16 laboratoires de l’UPVD prend la plume et partage ses travaux de recherche de manière vulgarisée.

La Semaine du Roussillon est le premier hebdomadaire d’informations des Pyrénées-Orientales. Il publie, depuis 1996, de l’information générale couvrant l’ensemble du département sous la houlette de journalistes indépendants. Éditée par la SARL Les Éditions de Celestina, La Semaine du Roussillon n’appartient à aucun groupe de presse. Le journal traite de l’actualité avec un intérêt particulier pour les sujets de fond. Cette volonté se traduit aujourd’hui par la création d’une rubrique dédiée à la vulgarisation scientifique.

À travers ses deux écoles doctorales, ses 16 unités de recherche et ses six plateformes technologiques, la recherche à l’UPVD est marquée par sa pluridisciplinarité et sa transdisciplinarité qui lui permettent aujourd’hui d’aborder de nombreux sujets liés à l’environnement, la biodiversité, les arts, les sciences politiques et sociales ou encore l’économie. Résolument engagée dans un esprit de partage de ses connaissances et de valorisation des travaux chercheurs, l’UPVD s’inscrit ici dans une volonté de promotion de la science au service de la société.
 



 


Mise à jour le 31 mars 2025
https://www.univ-perp.fr/upvd/vu-dans-la-presse-nouveaux-codes-au-coeur-du-controle-avec-les-plates-formes-collaboratives