[Vu dans la presse] Les routes, sources de déchet pour le littoral ?

En Méditerranée, on estime que plus de 80 % des déchets que l'on retrouve en mer proviennent du continent, notamment via les fleuves.

  • Le 7 mars

Rédigé par : Philippe Kerkhervé, enseignant-chercheur
 
Centre de Formation et de Recherche sur les Environnements Méditerranéens - CEFREM (UMR 5110 UPVD CNRS)
28 février 2025


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Nos derniers travaux réalisés dans le cadre du projet REDPLAST66 (2020-2022) ont permis d’estimer entre 300 kg (année sèche) et 2 tonnes (année pluvieuse), la quantité de déchets plastiques flottants relarguée en mer par la Têt. De plus, un stock de 30 à 40 tonnes de déchets de tout type se retrouve piégé sur les berges de ce même fleuve entre Perpignan et Canet. Le bassin-versant et son système hydrologique (fossés, agulles, cours d’eau) sont donc bien les réceptacles sur terre de ces déchets et le littoral (lagunes et mer), la destination finale. Ces études ont également montré que de 80 à 95 % de ces déchets transférés en mer par la Têt sont des déchets plastiques.

 


La Têt
La Têt (Perpignan) © Lou Dumas


Ces déchets transportés par les cours d’eau et retrouvés sur notre littoral proviennent essentiellement de nos centres urbains (poubelles domestiques trop pleines ou renversées, abords des centres commerciaux et zones festives), mais aussi des bordures de nos routes départementales qui relient ces centres urbains. Jusqu’à aujourd’hui, aucune étude scientifique ne s’était penchée sur l’estimation, à l’échelle d’un département, du flux annuel de déchets retrouvés en bordure de route. D’après l’association Gestes Propres, environ 77 000 tonnes de déchets (193 kg/km, 1,18 kg/hab) sont abandonnées en France chaque année aux abords des routes. Ces chiffres sont éloquents mais manquent de rigueur scientifique sur la méthodologie employée.
 

145 tonnes de déchets en bord de route chaque année

Plastique
Détail de plusieurs pellets recueillis sur la plage du Racó de Vila-seca. Les pellets sont l’un des nombreux microplastiques que l’on peut trouver | Ariadna Escoda (ACN)

Afin de pallier cette absence de données rigoureuses, le projet Plastic Routes66, porté par le laboratoire CEFREM de l’UPVD et financé par le Conseil départemental des Pyrénées-Orientales (CD66), réalise un suivi mensuel sur 2 années (2024-2025) le long de 5 routes du département, représentatives de la diversité du trafic routier. Une première étape a consisté à récupérer l’ensemble des données publiques du trafic routier sur les routes du département afin de sélectionner ces 5 sites d’étude.

Tous les déchets présents sur les 100 m linéaires de chaque site sont systématiquement récoltés tous les mois afin d’être étudiés au CEFREM (Université de Perpignan). Ces déchets sont individuellement triés selon une nomenclature européenne standardisée qui distingue plus de 200 catégories de 6 natures différentes (plastiques, verres, métaux, caoutchoucs, textiles, papiers), puis pesés selon leur nature.



Les résultats préliminaires après 12 mois de suivi mensuel semblent confirmer le lien entre l’intensité du trafic routier et le nombre de déchets. En moyenne, ce sont près de 18 déchets qui sont accumulés tous les mois pour 100 m de fossés de bord de route, soit 4 215 déchets/km/an. Une première extrapolation pour l’ensemble des routes de la plaine du Roussillon donne plus de 9 millions de déchets par an.

D’un point de vue massique, ces déchets représentent environ 145 tonnes. C’est bien plus que les quantités déversées par la Têt en mer, mais il faut bien comprendre que ces déchets de la plaine peuvent aussi être évacués par le Tech, le Bourdigou et les agulles qui convergent vers la lagune de Canet. Il faut aussi savoir que tous ces déchets n’atteindront pas le littoral. Beaucoup seront piégés par la végétation, se fragmenteront en microplastiques ou finiront enfouis dans les fossés, canaux et berges.
 

De quoi sont composés ces déchets ?

La moitié sont des déchets plastiques (emballages alimentaires, films, paquets de tabac…), le papier/carton représente 32 % des déchets, le métal 12 % et le verre 5 %.

La voiture est un lieu de vie que l’on vénère et dans lequel l’individualisme s’exprime pleinement. Tout en conduisant, on y mange, on y boit, on y fume, mais hors de question d’y stocker ces déchets même temporairement.

Les premiers résultats sur une année indiquent une augmentation des flux de déchets sur les bords de route en période estivale. Le trafic y est plus dense, surtout le long du littoral et les fortes températures incitent les gens à rouler fenêtres ouvertes, dans une posture favorable au jet de déchets.

L’auteur remercie Aurélie Duval et Nicolas Pujol (stagiaires du Master Sciences de la Mer, UPVD) pour leurs contributions à ce travail.

 
 

Création d'une rubrique de vulgarisation scientifique

Depuis novembre 2024, le journal La Semaine du Roussillon consacre une rubrique sur les projets de recherche menés à l’Université de Perpignan Via Domitia (UPVD). Chaque semaine, un ou une scientifique issu.e d’un des 16 laboratoires de l’UPVD prend la plume et partage ses travaux de recherche de manière vulgarisée.

La Semaine du Roussillon est le premier hebdomadaire d’informations des Pyrénées-Orientales. Il publie, depuis 1996, de l’information générale couvrant l’ensemble du département sous la houlette de journalistes indépendants. Éditée par la SARL Les Éditions de Celestina, La Semaine du Roussillon n’appartient à aucun groupe de presse. Le journal traite de l’actualité avec un intérêt particulier pour les sujets de fond. Cette volonté se traduit aujourd’hui par la création d’une rubrique dédiée à la vulgarisation scientifique.

À travers ses deux écoles doctorales, ses 16 unités de recherche et ses six plateformes technologiques, la recherche à l’UPVD est marquée par sa pluridisciplinarité et sa transdisciplinarité qui lui permettent aujourd’hui d’aborder de nombreux sujets liés à l’environnement, la biodiversité, les arts, les sciences politiques et sociales ou encore l’économie. Résolument engagée dans un esprit de partage de ses connaissances et de valorisation des travaux chercheurs, l’UPVD s’inscrit ici dans une volonté de promotion de la science au service de la société.
 



 


Mise à jour le 10 mars 2025
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