[Vu dans la presse] Les Canals: un trésor hydraulique médiéval au cœur de Perpignan

Auteur d’une thèse sur l’approvisionnement en eau de Perpignan, Dylan Planque consacre une série de trois articles dans la Semaine du Roussillon , en se focalisant sur l'un des éléments les plus notables des anciens aménagements hydrauliques du Roussillon : le ruisseau de « Les canals ».

  • Le 5 janv.

Rédigé par : Dylan Planque, doctorant UPVD (laboratoire Framespa) / Veolia Eau
 
Laboratoire FRAMESPA (Groupe Histoire Sociale (GHS) de l'UPVD, UMR 5136 Université de Toulouse CNRS)
5 janvier 2025


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Auteur d’une thèse sur l’approvisionnement en eau de Perpignan, Dylan Planque entame une série de trois articles, en se focalisant sur l'un des éléments les plus notables des anciens aménagements hydrauliques du Roussillon : le ruisseau de « Les canals ».

Ce dispositif gravitaire serpente le bassin de la Têt sur environ trente kilomètres, du point de captage à Ille-sur-Têt jusqu’à Perpignan. Cela signifie que l’eau s’écoule naturellement de l’amont vers l’aval par la force de la gravité. Ce canal avait pour principale fonction l’approvisionnement en eau potable de la ville, tout en servant à l’irrigation des jardins et cultures urbaines. Il était également utilisé pour nettoyer les rues très étroites et sombres de Perpignan, afin d’éviter la prolifération des maladies et alimenter les six moulins établis le long de son parcours.

Sa deuxième fonction principale était l’irrigation. Les ulls, des prises d’eau circulaires, étaient installées sur le canal et alimentaient des réseaux secondaires – agulles – qui desservaient à leurs tours les propriétaires terriens de la plaine du Roussillon et leurs cultures vivrières. Le diamètre de ces « yeux » variait, mais était normalement standardisé pour permettre un débit d’eau maximal. Ils étaient soumis à un calendrier rigoureux, n’autorisant l’ouverture que pendant le tour d’eau réglementaire, soit le jour d’arrosage autorisé. En dehors de cette période, ils devaient être fermés à l’aide d’une vanne sous la surveillance des agents en charge du canal.

Le trajet du canal était divisé en sept tours d’eau, ouverts de manière alternée jour après jour de l’amont vers l’aval, une pratique toujours en vigueur aujourd’hui. La volonté royale consistait à fournir deux meules d’eau à Perpignan : une pour la ville et une autre pour la citadelle et sa garnison. Traditionnellement, la meule représente le volume d’eau nécessaire pour actionner un moulin à farine, soit 300 l/s. Par conséquent, ce n’est pas moins de 600 l/s qui doit arriver à Perpignan continuellement par le biais de son canal, un droit difficilement atteignable aujourd’hui.

Le pont aqueduc des Arcades et les galeries souterraines. Plan de 1750, propriété des Archives Communales de la ville de Perpignan. (ADPO, 112EDT1165)

La date de premier établissement du canal est difficile à fixer par des pièces authentiques. Puisant ses origines dès le XIIe siècle, à travers notamment le canal de Thuir qui alimentait déjà les abords de la ville par un tracé primitif en 1172, ce dispositif gravitaire impliquait divers ouvrages techniques tels que l’aqueduc des Arcades, les galeries souterraines des collines du Serrat d’En Vaquer et de Puig Joan, des ponts, regards, puits et une noria, une machine hydraulique à godet servant à élever l’eau jusqu’au palais des rois de Majorque.

L’année 1344 marqua la fin du royaume de Majorque (1276-1344) et le début d’un long déclin du Roussillon. Quelques années plus tard, le ruisseau royal éprouva des dégradations importantes à sa partie supérieure suite à des crues très violentes de la Têt. Presque tous les ouvrages de prise avaient été emportés. L’eau vient à manquer à Perpignan. La décision fut alors prise de créer le canal royal de Perpignan en 1423, à la suite de l’édification du palais des Rois de Majorque et d’une nouvelle enceinte pour une ville en pleine croissance. Sa mise en eau se concrétisa deux années plus tard, en 1425 le jour de la Sant Jordi.

Le tracé nouvellement creusé partait de la prise d’eau à Ille-sur-Têt jusqu’en aval de Thuir, où il prit le tracé de son prédécesseur jusqu’à Perpignan. Après 60 ans d’utilisation, le canal et les moulins royaux étaient en mauvais état, poussant les consuls de Perpignan à demander l’aide du souverain. En réponse, en 1488, Charles VIII roi de France transfère la gestion et les droits du canal aux consuls de la ville.

Le mariage de Louis XI de France et Jeanne d’Aragon en 1469 avait renforcé les liens entre les deux royaumes, menant au traité de Barcelone de 1493, qui rend le territoire du Roussillon occupé à la couronne Aragon. Ce statu quo dure jusqu’en 1659, date du traité des Pyrénées, qui met fin à un conflit entre la France et les Espagnes et amène le territoire sous autorité française. En 1510, le roi d’Aragon confirme le transfert du canal à Perpignan, réaffirmant officiellement la ville comme propriétaire du ruisseau de Les Canals.




 

Création d'une rubrique de vulgarisation scientifique

Depuis novembre 2024, le journal La Semaine du Roussillon consacre une rubrique sur les projets de recherche menés à l’Université de Perpignan Via Domitia (UPVD). Chaque semaine, un ou une scientifique issu.e d’un des 16 laboratoires de l’UPVD prend la plume et partage ses travaux de recherche de manière vulgarisée.

La Semaine du Roussillon est le premier hebdomadaire d’informations des Pyrénées-Orientales. Il publie, depuis 1996, de l’information générale couvrant l’ensemble du département sous la houlette de journalistes indépendants. Éditée par la SARL Les Éditions de Celestina, La Semaine du Roussillon n’appartient à aucun groupe de presse. Le journal traite de l’actualité avec un intérêt particulier pour les sujets de fond. Cette volonté se traduit aujourd’hui par la création d’une rubrique dédiée à la vulgarisation scientifique.

À travers ses deux écoles doctorales, ses 16 unités de recherche et ses six plateformes technologiques, la recherche à l’UPVD est marquée par sa pluridisciplinarité et sa transdisciplinarité qui lui permettent aujourd’hui d’aborder de nombreux sujets liés à l’environnement, la biodiversité, les arts, les sciences politiques et sociales ou encore l’économie. Résolument engagée dans un esprit de partage de ses connaissances et de valorisation des travaux chercheurs, l’UPVD s’inscrit ici dans une volonté de promotion de la science au service de la société.
 



 


Mise à jour le 6 janvier 2025
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