INTERSECTION #3 : Les communs
Lucia Di Iorio
Chaire de professeur junior (CPJ) de l’UPVD
Comment êtes-vous arrivée à Perpignan ?
Lucia Di Iorio : Avant d’arriver à Perpignan, je parcourais déjà le littoral de la côte Vermeille à l’écoute de ses habitats et de leur faune pour des programmes de suivi avec les gestionnaires locaux. C’est à travers ces projets que j’ai eu l’opportunité decollaborer avec le Professeur Philippe Lenfant du laboratoire CEFREM à l’UPVD. Grâce à son expertise, notre collaboration très complémentaire a été fructueuse pour le suivi de l’état de conservation d’espèces et habitats clés. En 2021, j’ai rejoint Philippe comme post-doctorante et repris le chemin académique. Le CEFREM m’a vite attiré par son interdisciplinarité et son ouverture vers l'océan, des éléments fondamentaux pour ma recherche.
Quels sont les axes de votre recherche en tant que titulaire de la CPJ ?
LDI : Mon projet de chaire s’intitule « Seaphony », ou « l’océanographie des paysages sonores », car il se base sur l’écoute des environnements marins. L’ océan est tout sauf « le monde du silence ». Une polyphonie d’origine biologique, abiotique et anthropique rythme les milieux marins en créant de véritables paysages sonores. Ces paysages intègrent une multitude d’informations dont on n’a pas encore percé les secrets. Mon projet vise à « espionner » la vie marine et ses interactions avec l'environnement. L’objectif principal est d’étudier les écosystèmes marins et leurs réponses face aux changements globaux avec une approche complémentaire et intégrative qui associe les paysages sonoresaux phénomènes océanographiques, écologiques et géologiques.
Des exemples concrets de ce travail sont les expéditions internationales DEEPLIFE et TREC dans lesquelles je pilote le volet acoustique passive. Avec mon équipe au CEFREM, nous allons enregistrer les paysages sonores des forêts marines (récifs coralliens mésophotiques, forêts de laminaires et herbiers), des écosystèmes parmi les plus productifs et riches en biodiversité et qui fournissent des services essentiels à l'humanité. Ces écosystèmes sont encore très peu connus d’un point de vue sonore. Pour mieux identifier les facteurs environnementaux qui agissent sur la dynamique des paysages sonores, nous allons adopter une approche intégrative à large échelle spatiale qui reliera les variations des communautés bioacoustiques et leurs activités à la diversité taxonomique (eDNA, métabarcoding), des facteurs abiotiques le long de gradients géographiques et d’impact humain.
L’ océan est tout sauf « le monde du silence »
Quels sont les résultats attendus de ce travail ?
LDI : Ce projet permettra d’améliore rnotre compréhension des réponses des écosystèmes marins aux changements anthropiques et climatiques et ce, à plusieurs niveaux biologiques , des espèces aux communautés et aux habitats. On espère mieux appréhender les interactions entre les organismes et l’environnement et de mieux prédire la dynamique des écosystèmes face aux pressions croissantes. Les résultats obtenus contribueront également à faciliter l’intégration de l’acoustique passive au sein d’observatoires multimodaux en France (e.g., MOOSE, Coast-HF) où le suivi de la biodiversité et de l'activité biologique n’est pas ou peu représenté encore. Fournir des informations tangibles sur les effets prévus est aussi nécessaire pour aider les gestionnaires de l'environnement à prendre des décisions « précoces », pour une gestion durable. Le lien avec la conservation me tient à coeur. Via cette recherche j’aimerais apporter non seulement de nouvelles connaissances mais contribuer à la conservation de nos écosystèmes marins.De plus, le son, touchant un de nos sens est naturellement une source d’inspiration et un excellent vecteur pour la vulgarisation scientifique et la sensibilisation du grand public. Je suis très impliquée dans ce domaine et souhaite poursuivre cet engagement à l’UPVD.
Que vous apporte la CPJ en tant que jeune chercheuse ?
LDI : Cette chaire est pour moi une occasion unique pour développer une nouvelle recherche au sein du CEFREM, un laboratoire multidisciplinaire, très dynamique, et donc idéal pour une chaire comme Seaphony. Le financement accordé permettra d’accélérer ce processus. Cette chaire va aussi permettre de consolider et d'élargir un réseau de collaborations locales, nationales et internationales pour promouvoir l’océanographie des paysages sonores. C’est aussi l’occasion de proposer une nouvelle thématique complémentaire dans le parcours « sciences de la mer » à l'UPVD unique en France. J’ai la chance de travailler dans un domaine passionnant, plutôt nouveau et avec un fort caractère applicatif. Si j’arrive à transmettre un peu de cette passion pour la recherche et la conservation et voir quelques yeux briller parmi les étudiants et les jeunes chercheurs, ce sera déjà une grande gratification.Les chaires de professeur junior (CPJ)
Les chaires de professeur junior (CPJ) sont attribuées par le Ministère de l’Enseignement Supérieure et de la Recherche. Elles sont destinées aux jeunes scientifiques présentant un fort potentiel d’encadrement et d’animation d’équipe de recherche, ainsi que des capacités à participer à des projets nationaux, européens ou internationaux. Les CPJ constituent une nouvelle voie de recrutement sur projet de recherche et d’enseignement.
- DEEPLIFE, CNRS, Under the Pole financé par BNP Paribas, https://underthepole.org/missions/programme-scientifique-deeplife/
- TREC, TRansversing European Coastlines ; EMBL, Tara, co-financé par le projet HORIZON-2021 BIOcean5D : https://www.embl.org/about/info/trec/