Une variante sociale ajoutée à l’acte d’engagement alors qu’elle n’entre pas directement dans la notation via un critère social, ça ne vous semble pas bizarre ? Quittant la Métropole de Lyon alors qu’elle y était directrice adjointe Expertise des marchés publics, celle qui a souhaité prendre un poste d’acheteuse au sein de la direction des affaires financières et des achats à l’Université de Perpignan Via Domitia (UPVD) a voulu sortir de sa zone de confort. Et comme l’Université de Perpignan prône l’expérimentation et l’innovation dans ses domaines d’intervention et qu’elle aime le challenge, Fabienne Charrier a pu tester une étonnante variante sociale.
Chaque fois que nous évoquons Perpignan vous y avez droit. Mais comment ne pas évoquer à nouveau Salvatore Dali et “l’extase cosmogonique” que ce maître du surréalisme ressentit à la gare de Perpignan dont il fit deux ans plus tard centre du monde. Oh ! le marquis Dalí de Púbol n’était pas tombé loin cette fois-ci, car c’est aujourd’hui à l’Université de la capitale des Pyrénées-Orientales que le centre du monde s’est déplacé. Et pas pour rien, puisque le facilitateur des clauses d’insertion sociale, Benjamin Maneglia, de GE-RSE qui accompagne le dossier monté par Fabienne Charrier assurait il y a quelques jours qu’il s’agissait là d’une première nationale... En effet, pour son premier marché de travaux au sein de l’Université, elle a intégré une variante sociale qui laisse aux entreprises la possibilité d’ajouter au nombre d’heures d’insertion sociale fixé au cahier des charges, un nombre d’heures d’insertion supplémentaires. Les “mieux disantes” en la matière seront-elles mieux notées ? Même pas, puisque cette variante sociale ne fait pas partie des critères de notation. Alors, pour les entreprises, quel intérêt ? Pourquoi s’engageraient-elles dans une inutile inflation des heures d’insertion si elles n’en tirent aucun profit et risquent au contraire de faire monter leurs prix ? Craignent-elles également une sorte de “notation cachée” ? Vu le nombre de réponses reçues et les efforts qu’elles ont consenti, il faut croire que non.
Multiplier le nombre d’heures d’insertion sociale
« Il est certain qu’il n’y a pas de notation spécifique en l’absence de critère social ou comme en l’espèce, d’incidence sur le prix », confirme Fabienne Charrier. Le développement de la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) au sein des PME locales des Pyrénées Orientales a suffi à augmenter la performance sociale du marché. La meilleure preuve est que pratiquement toutes les PME locales, souligne-t-elle, ont joué le jeu ! » À l’ouverture des plis, le nombre d’heures d’insertions ajoutées par les entreprises était parfois étonnant, certaines n’hésitant pas à multiplier le nombre d’heures d’insertion ! « Tout cela sans incidence sur le prix forfaitaire - tient à souligner Fabienne Charrier - c’est au point où l’on peut tout à fait imaginer à l’avenir recevoir des offres avec un prix inférieur, si les missions confiées aux bénéficiaires de l’insertion le permettent et les délais d’exécution suffisamment longs ! Cela reste donc à expertiser sur un prochain marché plus propice à l’insertion sociale ».
La variante sociale intégrée au marché lancé par l’Université de Perpignan fait résonance avec le développement de sa RSE
Fabienne Charrier acheteuse au sein de la direction des affaires financières et des achats à l’UPVD
Pour un “petit” marché de réhabilitation ne dépassant pas 1,3 M€, même si a priori elles n’ont rien à gagner, les entreprises n’hésitent plus à s’engager dans une démarche RSE : « Aucun des dix lots n’a été infructueux - explique avec satisfaction Fabienne Charrier - et quant aux entreprises qui n’ont pas été en mesure de s’inscrire dans la variante sociale, l’une a expliqué qu’elle avait des difficultés à embaucher du personnel en insertion et l’autre a précisé qu’elle aurait concouru si la variante sociale avait été notée, mais comme elle ne l’était pas... et une autre s’est réjouit de constater que la variante sociale intégrée au marché lancé par l’Université de Perpignan faisait résonance avec le développement de sa RSE ». Les remarques de ces entreprises sont encourageantes puisque cela démontre, en creux, que non seulement une variante sociale ne fait pas effet de repoussoir, mais qu’au contraire elle peut pousser les entreprises à s’auto-challenger.
Industrialiser la variante sociale, sûrement une bonne pratique
Fabienne Charrier en est convaincue, la variante sociale est un outil simple qui peut être industrialisé : « C’est sans risque pour l’acheteur qui peut par la commande publique multiplier des heures d’insertion sociale et cela, sans délais et coûts de gestion supplémentaires générés par l’analyse d’un critère social (souvent confiée à des structures ad ’hoc). Et pour la PME, elle reste libre de l’effort social consenti en fonction de son organisation et des structures en insertion accompagnantes, comme GE-RSE pour les Pyrénées Orientales ». Et, elle en est convaincue, la variante sociale peut s’appliquer à tous types de marchés sans pour autant contraindre les PME : « Les entreprises sont prêtes ! ».
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Auteur : Jean-François Aubry
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